De la série "Real Humans" et de notre humaine condition

J'ai été impressionné par la série "Real Humans" diffusée sur Arte. En plus d'une histoire hyperconstruite - sauf sans doute la fin, un peu rapide - et de décors sublimes, la série propose une réflexion complexe en filigrane : qu'est-ce qu'être humain ? Est-ce adopter des comportements typés et codifiés comme le font les Hubots (contraction de Human Robots), sorte d'êtres humains parfaits ?
Est-ce - comme souvent dans ce genre d'histoire faisant une dichotomie entre les humains et "les autres" - faire preuve de sentiments, d'émotions ? Mais au final, n'y-a-t-il pas de sentiments ou d'émotions mais seulement l'expression de ceux-ci ?

Ces Hubots sont une projection de notre moi parfait et fantasmé : toujours disponibles, toujours serviables, souriants, ayant le geste du réconfort au moment où il le faut, jamais fatigués, jamais agacés ou impatients, insensibles à la douleur, ayant une culture inépuisable, une mémoire infaillible d'une précision inouïe. Leurs besoins physiques sont résumé en un seul : devoir se recharger une fois par jour. En d'autres termes, ils sont un condensé de tout ce que nous ne sommes pas, de tout ce que nous ne serons pas. Je repose alors ma question : c'est quoi, être humain ? Est-ce nous, qui sommes si fragiles, faillibles, devant nous "recharger" plusieurs fois par jour, imparfaits, soumis à tellement de "bugs" et de virus ?  Est-ce eux qui sont un fantasme de ce que nous voudrions être et ne sommes pas ?

Il y a un sentiment étrange de fascination mêlé d'inconfort à la vue de cette série, et l'on se prend à penser qu'aussi belle et séduisante soit cette supposée invention que sont les Hubots, elle est surtout une énorme erreur sociétale car ces robots humanoïdes faussent complètement notre rapport avec nous-mêmes, notre perception de notre condition d'homme. Ainsi cette jeune fille qui préfère que sa Hubot - la belle Anita - lui lise une histoire car sa mère est plus pressée, plus vite agacée ou fatiguée alors qu'Anita est infiniment patiente. Elle préfère les gestes -codifiés- "d'amour" d'Anita au véritable amour de sa mère qui le démontre moins par son manque de disponibilité. Pourtant, la belle androïde ne ressent rien pour l'enfant : elle ne fait qu'exécuter un programme qui lui ordonne de répondre par des gestes ou paroles précises à des stimuli humains. Et là un nouveau doute s’instille : l'amour serait-il un programme -au substrat chimique chez nous et électronique chez eux- qui nous pousse les uns vers les autres ? Répondons-nous aussi automatiquement à des stimuli de nos partenaires ?

À l'inverse, des adolescents osent agresser un androïd par le seul prétexte qu'il n'est "qu'une machine" et qu'il ne mérite aucun respect. Son aspect parfaitement humain mais sa condition de "simple" machine leur permet de se laisser aller au plus bas des instincts : détruire pour prouver sa domination. 

La cohabitation des robots au milieu des humains (ou serait-ce l'inverse ?) engendre des émotions ou réactions opposées et révèle nos antagonismes, nos contradictions. Les Hubots agissent en quelque sorte comme une loupe grossissante et provoquent compassion comme répulsion. Sans doute éveillent-ils aussi une sorte de jalousie : si physiquement  nous ne pouvons améliorer notre machine humaine - ou si peu - nos comportements pourraient être en revanche tellement meilleurs...