De la composition musicale et de la jouissance qu'elle procure

C'est une question qu'on me pose parfois à propos de mes travaux musicaux : "d'où  viennent tes idées ?" qu'il faut comprendre en "comment viennent tes idées ?". En général cela commence au milieu du repas, avec la fourchette au niveau de ma bouche bée - et mon cerveau devient une salle de concert. Je suis effectivement ailleurs, très à l'intérieur de moi, au milieu des myriades de possibles sonores.

Là où je me trouve à ces moments précis, les sons s'assemblent entre eux de manière logique, harmonieuse. Tout fait sens, tout est d'une grande clarté et d'une grande simplicité - quand bien mêmes les sons fussent complexes. J'entends parfaitement les sons synthétiques, ceux-là même que je dois reproduire exactement avec mon synthé préféré. J'entends les rythmes, les riffs, les lignes mélodiques. Je peux même fermer les yeux pour mieux me concentrer sur cette symphonie (au sens éthymologique, "sonner ensemble") intérieure. Je laisse se dérouler la musique qui se crée toute seule en moi, et oui, je suis alors coupé des stimuli extérieurs. Je ne suis plus avec vous, mais en moi. Mentalement, j'ai appris à me répéter ce que je viens d'entendre, à faire un enregistrement mental. Merci Michèle au passage ;-). Je peux donc corriger un passage, imaginer une variation ou un renversement, retirer des violons au profit d'un synthé, réécouter en ternaire et non en binaire... Le même travail à l'ordinateur serait beaucoup trop long et fastidieux alors que là, tout se fait en un clin d'oeil. Une fois satisfait, je n'ai plus qu'à écrire sur partition.

Dans ces moments parfaits, je suis vraiment bien, en paix et heureux. Je suis béni d'avoir ce don-là et à la fois c'est la source même de mon mal-être : tout le quotidien et ses obligations financières et sociétales m'éloignent énormément des ces moments magiques - et pas si rares ! - ou je suis parfaitement à ma place.

Voilà d'où viennent, comment viennent mes idées. Bien sûr, il serait malhonnête de ma part de dire que c'est à chaque fois archi-clair. Une idée musicale peut-être partielle, comme un simple écho. Je la laisse mentalement de côté, car je sais qu'elle reviendra enrichie, accompagnée d'autres éléments sonores. Et ce sera reparti pour un tour, le regard dans le vide, avec cette fois-ci la tasse à café arrêtée, à peine levée de sa soucoupe...