de ma quête d'absolu ou mon syndrome Don Quichotte

Don Quichotte, par Pablo Picasso
De quelle matière sont faits les rêves ? Non pas ceux qui nous viennent nous hanter la nuit, mais bien ceux qui nous tiennent éveillés le jour, voire nous tiennent vivant tout court ? Qu'est-ce que le rêve d'une vie ? En quoi doit-on se battre jusqu'au bout pour lui ? Mon rêve est simple (simple à formuler, s'entend) et à 36 ans fraîchement passés il est resté le même : je veux faire de la création mon quotidien. Je lutte pour être heureux et créer me rend indiscutablement et profondément heureux. Mais une récente conversation avec mon père m'a fait prendre conscience du paradoxe de cette quête d'absolu.

Car il y de l'absolutisme dans ce rêve, il sous-entend que je ne peux être heureux dans tous les autres possibles qu'offre la vie. Beau paradoxe : luttant pour mon bonheur, j'en trouve la clé, mais pose des conditions extrêmes qui font qu'il y a très peu de chances que je sois pleinement heureux. C'est ce que j'appelle mon syndrome Don Quichotte, je me bats contre mes moulins à vent intérieurs et suis persuadé que ce combat est noble ; ma Dulcinée (vivre de la création) est une vue de l'esprit à jamais promise mais jamais rencontrée. Et mon Rossinante est loin du noble destrier : c'est bien un vulgaire canasson. Pourquoi ?

Parce que je reste persuadé que nos rêves nous maintiennent éveillés, que mon rêve me maintient vivant. Oui mais... N'est-ce pas lui ou pour être plus exact ma manière actuelle de le vivre qui instille un poison et m'oblige à une "intranquillité" (chère à F. Pessoa) ? N'est-ce pas ce rêve distordu en obsession quotidienne qui me fait adopter une attitude de victime (genre la vie c'est vraiment trop z'injuste) ? Alors j'en reviens à ma toute première question : de quelle matière est fait mon rêve ? Pourquoi foire-t-il plus que ceux des autres, les victorieux, ceux qui se promettent un Everest, ou qui passent un an à ramer en Méditerranée pour en enregistrer des heures de sons subaquatiques (sic!), ou qui pensent pouvoir passer le mur du son en chute libre, ou qui jurent de faire le tour du monde à contre-courant en moins de 100 jours ? Maud Fontenoy a réussi 3 exploits totalement délirants. En quoi ces rêves sont-ils plus solides et surtout réels que le mien ?

Je n'ai pas eu la réponse de suite, mais la voici : l'attitude. Un rêve n'est rien d'autre qu'une simple phrase, une image mentale ; ce qui fait qu'il devient ou non réalité tient dans l'attitude que l'on adopte face à lui. Il ne suffit pas de croire en lui pour le faire vivre : il a besoin d'actes. Et c'est aux actes posés que l'on juge le courage voire la témérité des doux dingues rêveurs que nous montons au pinacle.

Cette année s'achève et elle fut riche en émotions, en brûlures, en séismes et en combats, mais aussi en rencontres et en découvertes. J'ai rarement autant appris, compris de choses et parfois on me les a fait bien comprendre... Il est temps pour moi d'adopter la "bonne attitude" face à mon rêve. Sans donner tort à mon père - je crois que je reste indéfectiblement un Don Quichotte - je crois qu'en 2014... je vais descendre de mon cheval !