de l'école normative, héritière du productivisme


Connaissez l'étymologie du mot "école" ? C'est issu du latin schola désignant un loisir studieux, lui-même issu du grec σχολή skholế signifiant "arrêt du travail". Notre école est depuis bien longtemps éloignée de son sens premier. Elle n'éduque pas, elle formate, elle normalise ; elle prépare les futurs citoyens-travailleurs à une bonne productivité (rentabilité) pour que le système social et politique continue de fonctionner sans rupture.

Ma fille est en CP ; c'est enfin la "grande école", l'obligatoire, celle de Jules Ferry et sensiblement les choses changent. On inculque, on n'éduque plus. Ça fleure bon le XIXe siècle et la révolution industrielle triomphante, la frénésie de produire à tout prix et dans quelques années, elle aura droit au message productiviste (sans doute remixé à la sauce 3.0) :

 

L'école, loin d'éveiller sa curiosité, de la faire grandir, réfléchir, se questionner, se poser en citoyenne, prendra surtout soin qu'elle apprenne tout ce qu'il faut pour ne pas être prise de vitesse par le monde du travail, en d'autres termes pour ne pas être un poids mort pour notre société. Son sentiment vis-à-vis de l'école est passé d'un réel plaisir lors de la maternelle à celui d'une contrainte ennuyeuse et "dure" (ce sont ses mots) pour le CP. "Ah", me rétorque-t-on, "mais  c'est normal, c'est le CP, la vraie école !". Mais bon sang, depuis quand l'école doit-elle être aussi agréable qu'un toucher rectal ? Depuis quand les écoliers doivent endurer l'école ? Ma fille n'a-t-elle pas fait des progrès considérables en maternelle en apprenant dans la joie ? Pourquoi d'un coup pressurer les élèves comme dans le film The Wall ? Quel est l'intérêt de les pousser en avant et ainsi d'appliquer une sélection par la pression ?

C'est là que je constate avec amertume que toute une scolarité se joue dans les premières années. Nous parents, sous prétexte d'aider nos enfants à l'école, leur enseignons surtout la culture du stress puisque c'est ce que nous avons appris de l'école ; nous sommes de bons petits soldats, il faut que notre progéniture prenne le relais. L'école et nous co-formatons nos petits pour qu'ils puissent survivre dans une société normative qui ne consomment que du travailleur dans le discours de la croissance ; nous inculquons la logique du productivisme.

Le productivisme a sa rhétorique bien ancrée dans nos mentalités depuis quasi deux siècles (8 générations) : nous comparons les pays à coups de PIB ou de pourcentage de dettes comme si c'était une course, nous mesurons le succès de telle ou telle entreprise avec sa capitalisation boursière. Cela nous semble naturel puisque nous ne connaissons que cela. Notre comportement de travailleur va lui aussi en ce sens : être réactif, multi-tâches, être proactif (ah ! quel mot adoré lors des recrutements). L'ultra connectivité sous couvert de progrès voire de fun nous aide cyniquement à aller en ce sens. Le stress au travail est un mal nécessaire pour que notre économie tourne comme on nous l'a inculqué, et comme on nous le répète à l'envi sur nos écrans.

Seulement, seulement... c'est un gigantesque mensonge. NON, le productivisme n'est pas nécessaire. NON, une croissance infinie (+1% au mieux chaque année jusqu'à... on ne sait pas, cela tend vers l'infini si mes maths ne sont pas trop rouillés) dans un monde fini au ressources finies, ce n'est pas possible. OUI, une alternative est possible pour nous, pour nos enfants, pour ma fille. Nous nous devons d'arrêter de construire une société qui agit comme un rouleau compresseur, et ce dès le début de la scolarité obligatoire.

Plus on aura de considération pour l'enseignement du bien être et du mieux vivre ensemble, mieux on comprendra qu’il faut arrêter de sacrifier la qualité de la vie au nom d’un hypothétique rendement. Il faut cesser la logique de sacrifier son bien-être pour être le meilleur !

Logan LaPlante, jeune garçon américain de 13 ans, nous explique que son but dans la vie est d'être heureux et en bonne santé, et comment cela l'a conduit à mettre au point le "hackshooling". Je ne sais pas si c'est l'avenir, mais à mon sens, cela montre qu'un changement est nécessaire.