Audiofanzine est une référence pour tout MAOiste (comprendre passionné de Musique Assistée par Ordinateur) qui se respecte. Et dans l'équipe du site, Los Teignos (aux influences musicales plus qu'intéressantes par ailleurs !) signe régulièrement des éditos de qualité tant par leur style que par leur clairvoyance. Voici celui qui concerne Alphabet, la nouvelle holding créée par Google. Cet édito a suscité de nombreux commentaires.
Par Los Teignos
Les raisons de la récente restructuration de Google n’étaient pas
bien dures à comprendre : faciliter « l’optimisation » fiscale
(comprendre ‘évasion’), minimiser les risques de procès pour abus de
position dominante, bénéficier d’aides diverses et variées… Bref, tout
ce dont une hydre a besoin pour continuer de croître, et que ce farceur
de Larry Page a justifié comme la conséquence d’un besoin de
renouvellement et d’une volonté de transparence.
Ce qui n’était
pas transparent en revanche, c’est la raison pour laquelle la société
mère de toutes les activités Google avait choisi de s’appeler
« Alphabet » plutôt qu’un terme plus futuriste ou technologique. Les
choses se sont toutefois éclairées avec l’annonce cette semaine de
Youtube Red, l’offre globale de Google. Leader de l’hébergement de
vidéos dans le monde et première plateforme de diffusion musicale en
streaming loin devant tous ses petits camarades, Google entend bien nous
proposer, pour 10 euros par mois environ, quelque chose qui remplace
Spotify, Netflix, iTunes et rende AdBlock caduc. Et évidemment, dans le
sillage d'un Netflix, il est question de produire aux frais de Google
des contenus, films, reportages ou séries, histoire de se défaire de
cette image de pompe à fric pour revêtir le complet trois-pièces du
mécène, autrement plus respectable.
Dans le même temps, la justice
américaine vient de débouter les auteurs et éditeurs qui contestaient à
Google le droit de numériser des livres sans leurs autorisations. En
face de Google TV, Google Radio, et Google Prod qui sont donc
agglomérées dans Youtube Red, Google Books est donc bien sur les rails,
et le nom ‘Alphabet’ prend alors tout son sens : il ne s’agit plus
seulement d’être moteur de recherche, cartographe ou régie pub, système
d’exploitation, fabriquant de mobile ou chercheur en génétique, il
s’agit de pénétrer les défenses immunitaires de la civilisation même :
la culture. D’en contrôler la diffusion, de savoir qui lit, écoute ou
regarde quoi, quand et où. Et, tant qu’à faire, de s’occuper également
de sa production. Ce sera tout bénef en terme d’image comme de revenus.
La
stratégie n’est pas nouvelle et, de François Ier à l’Oncle Sam en
passant par Louis XIV et quantité d’hommes d’état plus ou moins
vertueux, elle a toujours porté ses fruits. Mais c’est la première fois
qu’autant de pouvoirs se trouvent concentrés aux mains d’une entreprise
privée sur laquelle le pouvoir politique comme populaire n’a aucune
emprise.
Ainsi, parce que nous avons très probablement tout à
perdre à ce que ce soit Google qui redistribue l’alphabet, il sera sans
doute du devoir de l’artiste de mordre la main du mécène qui voudra le
nourrir.
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