La mort de la musique

La mort de la musique
J'avais déjà pointé dans un billet précédent les effets néfastes de la mode des tribute bands. Brian Molko, dans une interview à Vice, fustige quant à lui les télé-crochets que nous connaissons tous quelle que soit la chaîne de télé, sorte de grands karaokés grandiloquents prédéterminés laissant peu de place au talent et à la créativité. Pour celles et ceux qui souhaitent aller plus loin dans la découverte des coulisses de ces émissions, lisez bien ces confidences de Philippe Manoeuvre à propos de la Nouvelle Star sur M6 dont il a été un juré éminent. Lui-même déconseillerait à ses enfants d'y aller tant les dés sont pipés !

Je digresse, comme souvent, je digresse... Mon propos n'est pas de démontrer directement la nocivité de la Nouvelle Star, de feu Star Academy, feu Pop Stars ou maintenant the Voice. Non. Mon propos est de parler des impacts sur les musiciens car désormais après plus d'une décennie d’existence ces émissions de télés ont profondément changé l'approche de la pratique instrumentale.

Impossible aujourd'hui de trouver en France - soit, dans les Alpes Maritimes, j'avoue... -  un musicien réellement créatif, qui sorte des rails, ayant sa propre technique ou son propre son. L'époque est au copycat, au musicien impeccable techniquement, au dévot d'AC/DC, Led Zeppelin, Metallica, Muse, etc. qui va reprendre à la note près les titres les plus célèbres sans rien y toucher, au geek qui va se ruiner en matériel pour tenter d'avoir exactement le matériel de son guitariste fétiche (car bien sûr, en guitare, le matériel fait tout), au chanteur reproduisant jusqu'à la moindre inspiration la partie vocale du titre originel. L'époque est aux copies carbone, aux fantômes, aux musiciens les plus transparents possible.

Et nous, public, nous le réclamons car notre oreille a désormais été totalement formatée. Les médias nous ont gavés de nostalgie d'époques que nous n’avons pas vécues (aaah... les seventies...) et nous nous attendons à ce que ces "tribute bands" (dont beaucoup sont très bons techniquement) reproduisent fidèlement le son et l'ambiance d'époque...

Parlant de cela avec un collègue anglais - les anglais sortent beaucoup découvrir leur local bands dans les pubs, contrairement à nous - il s'est écrié : "This is the death of music ! This the death of creativity !" (C'est la mort de la musique ! C'est la mort de la créativité !). Et il a raison. Par notre écoute, par nos attentes, nous, public, sommes en train de tuer la musique. Les musiciens fraîchement formés ne font que suivre leur époque, n'en sont que les témoins. Nous les transformons en vendeurs de nostalgie et de "c'était mieux avant". Nous sommes devenus allergiques à la nouveauté. Dès qu'ils sortent des rails de la "reprise littérale", de la copie conforme, nous nous détournons d'eux. Pour preuve : les gagnants des télés-crochets, à deux ou trois exceptions près, ont disparu une fois leur victoire proclamée.

On n'en a rien à foutre de leur créativité.