D'une légère erreur de dimension

Pour faire suite à ce court poème m'exhortant à quitter l'habit d'artiste, j'ai un aveu à vous faire : j'ai commis une grossière erreur de dimension ou de dimensionnement, c'est selon. Je me rêve toujours sur scène avec un son géant et, pourquoi pas, flanqués de 7 ou 8 autres musiciens qui envoient le bois pour le plaisir d'un public subjugué. Le son large des synthés et la puissance des guitares me fascinent.
En réalité dans vraie vie pour de vrai de vrai, cela finit systématiquement par une poignée de personnes patientes ou polies face à moi qui, souvent tout seul en scène, tente avec plus ou moins de panache d'avoir un gros son avec mes machines.
Seulement voilà, j'ai grandi en écoutant les plus grands, en rêvant d'être avec eux, guitare à la main...

On the turning away, Pink Floyd

We are the champions, Queen

All I want is you + Where the streets have no name, U2

Gavé de ces images et de ces sons, je me suis passionné pour le son en stéréo pour ma guitare, les effets, ou comment embrasser un public avec une seule note. J'ai même conçu et réalisé un rack d'effets divisant le signal de ma guitare en 3, un pour la guitare, un pour jouer un son de basse, un pour jouer un son de synthé. J'ai cherché encore et encore à avoir un son géant, comme pour emboîter le pas des géants que j'ai écouté et que j'écoute encore.

Sauf que... Vouloir un son géant en étant parfaitement inconnu est un joli oxymore. Il y a peu de ridicule désespéré non dénué de d'élégance dans cette démarche, qui n'est pas sans rappeler Don Quichotte. C'est là qu'est mon erreur de dimension évoquée au début de ce billet . Comme m'a dit un de mes amis  : "Tu as le son pour un stade, sauf que tu es dans un bar". Paradoxe.

Il est sans doute temps pour moi d'accepter l'idée que mon son doit être adapté à ce que je suis, non pas à ce que j'ai envie d'être. Une guitare, un ampli (oui, après près de 20 ans à jouer sans ampli, et en direct dans la console, revenir à utiliser cet objet de malheur est une dure épreuve...) et quelques pédales, 4 ou 5, pas 15 ou 20. Rapetisser le son pour qu'il soit à mon échelle. Cette prise de conscience m'est venue en regardant la vidéo d' "À tire d'elle" en guitare et voix. C'est simple et épuré, le son de la guitare est beau et souligne d'autant plus ma voix.

En jouant au sein de formations comme Lo Velvet ou Lucky Joe and the Magnificent Poets, je ré-apprends à jouer de la musique : des mains sur une guitare, et c'est à peu près tout. Je retrouve le goût de soigner le langage musical plutôt que de bâtir une architecture sonore. Ce n'est pas sans conséquence sur mon écriture ; elle se simplifie, abandonne fioritures et autres volontés de démonstration. Clairement, je suis à un tournant de ma manière de vivre la musique. Et ce n'est sans doute pas plus mal.