On ne peut pas vaincre son ego

 


Il est illusoire de croire que nous pouvons vaincre notre ego, le battre à plates coutures. En grandissant ou en mûrissant si vous préférez, il prend une place de plus en plus importante. À l'âge adulte, il a tendance à prendre le pas sur tout et à masquer le cœur, à étouffer les émotions. L'ego nous transforme en robot.

Que faire alors ?

Commençons par nous poser la question : qu'est-ce que notre ego ? J'avoue avoir beaucoup utilisé ce mot sans en connaître la définition ! L'ego (sans accent, car c'est un mot latin qui signifie "moi") est la représentation et conscience que l’on a de soi-même, en tant qu'individu séparé des autres, voire unique au monde, cherchant à être valorisé. En gros, c'est l'image de soi que l'on a en tête. Nous puisons dans notre ego quand on nous pose la question "quelles sont tes principales qualités ? Quels sont tes principaux défauts ?". L'ego, c'est aussi lui qui nous fait dire "je suis moche", "je suis nul-le".

Je trouve que dès que nous lisons cette définition, nous avons une réponse. L'ego est une représentation ! Autrement dit, l'ego n'est pas soi : l'ego n'est qu'une image de soi, il n'est pas ce qu'on est. Un peu comme une photo de nous n'est pas nous, c'est juste une représentation. Elle est un peu floue, les couleurs ne sont pas fidèles, le cadrage est serré et ne montre pas tout, l'objectif de notre téléphone déforme les traits et les filtres appliqués mentent toujours. Cette photo, ce n'est pas nous ! Et bien l'ego, c'est pareil.

Avec le temps, l'ego se constitue surtout de nos peurs, nos angoisses, nos hantises. Il devient à l'âge adulte une machine à censure. "Fait pas ça, c'est pas toi", "Ne prends pas cette décision, cela va trop te changer". L'ego nous fige dans une représentation, dans un rôle qui s'est écrit durant des années, durant notre jeunesse et surtout avec les épreuves traversées.

Le premier pas est donc de ne pas le croire. L'ego n'est pas nous. Il fait son travail d'alerte car il rappelle que des peurs existent et certaines peuvent être justifiées. Mais s'il faut écouter ses alertes, il ne faut pas écouter ses conseils. Il est un peu comme un ami qui craint tout et qui nous dirait de ne pas faire ceci, de ne pas aller par là et n'arrête pas de nous dire "Mais tu vas te planter !". Il faut prendre en compte l'alerte qui appelle à la prudence, mais y aller quand même, en connaissance de cause. Sans doute que nous allons nous planter, mais au moins nous aurons essayé ! Mieux vaut les remords que les regrets !

Le deuxième pas est de mettre à jour son ego. En général, cela ne se fait pas seul mais accompagné (psychothérapie, démarche spirituelle, voire lecture d'un livre inspirant). Puisque l'ego est faux (et le sera toujours), autant le corriger un peu, l'ajuster. Rien ne sera parfait et conforme, mais au moins il sera un peu moins éloigné de la réalité. Ce qui est frustrant dans cette démarche, c'est que l'on découvre que l'on ne se connaît jamais vraiment parfaitement. En fait, on a des réponses toutes faites sur soi-même, des certitudes et des croyances, certaines héritées de nos parents ou de nos proches, d'autres héritées d'épreuves et de blessures.

En redécouvrant le chemin de notre enfance, de notre éducation, en relisant les épreuves qui ont causé des blessures, nous découvrons ce qui a façonné notre ego et nous pouvons le corriger. Ex.: "Non, je ne suis pas incapable d'être heureux-se", "non, je ne suis pas tout le temps maladroit-e", "en fait, j'ai toujours eu envie de quitter ce pays, mais on m'en a toujours empêché. C'est clair, ça me fait peur, mais j'en ai très envie !", "j'ai toujours eu cette représentation de ma masculinité, mais en fait, ça ne me va pas du tout !" etc. C'est très libérateur ! Cela me fait penser, par analogie, à une séance chez le kinésithérapeute ou l'ostéopathe : ça décoince un truc, une vieille douleur.

On ne peut pas vaincre son ego et pour cause : il est indispensable, il est constitutif de notre mental. Mais s'il faut (un peu) l'écouter, il ne faut pas croire ses conseils même si parfois il les hurle très fort, mais surtout, il faut prendre conscience qu'on peut le faire varier, le bouger. Cette prise de conscience marque d'ailleurs le début d'une merveilleuse aventure avec soi-même.