Bienvenue à l'ego land ! Aujourd'hui nous vivons au pays du "tout à l'ego" (expression de l'écrivain Tonino Benaquista).
Vous voyez ce qu'est l'ego ? L'ego, c'est notre miroir intérieur, c'est la perception que l'on a de soi-même, incluant ses pensées, ses sentiments et ses expériences. Nous ne nous en rendons pas compte, mais avec le temps, l'ego devient roi : il est impérial, boursouflé, énorme, tyrannique, imposant, étouffant. Et le pire c'est qu'on adore ça !
Aujourd'hui, nous disposons d'outils puissants pour permettre à notre ego de développer le culte de notre personnalité, de mettre en scène notre vie. Photos retouchées, filtres flatteurs, stories calibrées : tout est orchestré pour projeter une image parfaite de nous-mêmes, bien éloignée de la réalité car souvenez-vous, l'ego est toujours faux (surprise !).
De quoi est composé notre ego ? Comment est-ce que nous nous forgeons notre perception de nous-mêmes ? D'abord par notre ascendance, le regard qu'elle pose sur nous. Par notre fratrie, nos amis, nos amours, nos succès et nos échecs, nos traumatismes. Nos peurs également. Tout cela nourrit notre perception. L'ego n'est pas une image fidèle de nous-mêmes, mais une somme de peurs, de blessures, et de paroles d'autrui. L'ego est le grand champion des croyances limitantes, ce genre de trucs qu'on a entendu mais que nous considèrons comme vrai : "tu es maladroit(e)", "tu es nul-le en maths", etc. quand ce n'est pas un traumatisme qui nous déforme avec une honte de longue durée.
Notre ego vit dans le culte de l'apparence : nos actions et nos décisions doivent rester dans le respect "portrait" de nous-mêmes qu'il dresse. Problème, cela nourrit un sentiment de comparaison permanente et surtout un besoin validation extérieure : notre ego impérial dispose d'une audience, d'une cour ! Vive les réseaux sociaux où tout contribue à le contenter et le flatter ! Notre ego impérial s'enorgueillit d'être vu et écouté, et de voir, comme au Colisée, des pouces levés. Les "likes", les commentaires et les partages deviennent des sources vitales de validation. On recherche avidement l'approbation virtuelle, au point de sacrifier sa spontanéité et son authenticité pour se conformer aux diktats de la popularité.
De plus, cette hyper-valorisation de l'ego nous mène à un individualisme exacerbé, où l'écoute de l'autre et l'empathie se perdent dans le bruit de l'égoïsme. On se focalise sur ses propres besoins et aspirations, au détriment de la construction de liens profonds et authentiques, au détriment de l'altérité.
L'ego ainsi flatté, il devient un tyran permanent et particulièrement destructeur. Il nous aveugle face à nos défauts, nous enferme dans une bulle narcissique et nous coupe de la réalité. Il nous enfonce dans le déni et la mauvaise foi : tout ce qui sort de son périmètre, de son champ de perception est considéré comme faux. Tout ce qui ne correspond pas au "portrait de nous-mêmes" est écarté. Paradoxalement, plus l'ego prend de la force et de l'importance, plus notre estime de soi se fragilise, car nous sommes dépendants (à la merci?) du regard des autres et de leur validation.
Nouvelle surprise ! Plus notre ego devient puissant, plus il affaiblit notre estime de soi ! On pourrait croire qu'un ego puissant est protecteur et structurant, il peut paradoxalement fragiliser l'estime de soi. En effet, un ego démesuré peut mener à une surestimation de ses capacités et à une peur constante de l'échec. La moindre critique ou remise en question peut être vécue comme une attaque personnelle, alimentant un sentiment de vulnérabilité et d'insécurité. En se focaliser sur l'admiration et la reconnaissance des autres, on néglige ainsi sa propre validation interne et on se prive d'une véritable autonomie émotionnelle.
L'autonomie émotionnelle est le Graal de tout être humain. C'est :
- Identifier et comprendre ses émotions, en commençant par ne pas les nier, et savoir les nuancer
- Communiquer ses émotions tout en respectant les autres et leur ressenti
- Réguler ses émotions et mettre en place des stratégies pour ne pas les laisser nous submerger
- Assumer la responsabilités de ses émotions, et donc ne pas les rejeter sur les autres ou ne pas leur reprocher d'en être à l'origine
- Et enfin, choisir ses réactions, c'est-à-dire, ne pas être "en pilote automatique" face à une situation émotionnelle (positive comme négative), et faire des choix conscients
Tout ce qui est au-dessus, l'ego nous en limite l'accès. C'est pourquoi il est important, et je devrais dire qu'il n'a jamais été aussi important de savoir se soustraire à la tyrannie de notre ego. En se libérant de l'ego, on s'ouvre à un monde de possibilités. On découvre la joie d'être soi-même, sans faux-semblants ni masques. On rend possibles des relations saines et enrichissantes, basées sur la confiance et le respect mutuel. On s'engage dans des actions qui ont du sens et qui contribuent à un monde meilleur.
Bref, n'attendez pas une seconde de plus, et quittez l'ego land !
Photo de Alphacolor sur Unsplash