Les monothéismes, cancers moraux, faillites de l'Humain

Tous les monothéismes portent en eux l'origine de leur chute. Tous nourrissent la haine qu'ils sont censés combattre. Tous sans exception, sans classement du pire au moins pire. Je ne les oppose pas aux polythéismes qui sont au moins aussi fautifs. Mon propos est de montrer qu'ils sont en faute, et en faute profonde.

Le mot "religion" a une étymologie qui ne fait pas consensus. Pour certains, cela vient du latin relego, relegěre (« rassembler de nouveau, recueillir de nouveau »), quand pour d'autres, il viendrait de religo, religāre (« relier, rattacher »). Dans les deux cas, la religion est censée rassembler ou relier les humains, et dans les faits, elle les divise et les pousse à s'entre-tuer.

On ne naît pas avec la haine, elle s'apprend, elle s'acquiert. Quand elle est érigée en système de pensée, elle devient redoutable. Quand en plus elle se drape du sacré, elle devient dangereuse et mortelle.

Je suis un ancien chrétien, élevé dans la religion catholique, tendance progressiste. J'ai profondément été marqué par le message de Jesus. Encore aujourd'hui, je suis conscient que mes valeurs et ma morale sont surtout fondées sur son enseignement qui est tout simple : il affirme la supériorité de l'amour sur tout, et qu'il faut consacrer sa vie à cet idéal. Cependant, le catholicisme m'a peu à peu écœuré voire choqué dans ses nombreuses incohérences. Célibat des prêtres ? Ecrit nulle part dans la Bible. Eriger des églises et des cathédrales (ce sont des fabuleux monuments, je ne le nie pas) ? Ecrit nulle part. Conquérir Jérusalem au prix de guerres soi-disant saintes ? Ecrit nulle part. Massacrer des coreligionnaires qui vivent leur foi légèrement différemment ? Ecrit nulle part. Les sacrements ? Ecrits nulle part. Comment se déroule une messe ? Ecrit nulle part. Pourquoi le choix des 4 Evangiles et l'exclusion des autres (je pense notamment à celui de Thomas). Ecrit nulle part. Organiser l'Eglise en hiérarchie prêtre/évêque/archevêque/pape ? Ecrit nulle part. La Bible et en particulier les Evangiles - qui rapportent les paroles de Jesus - devrait être la base de toute la religion, or Jesus ne parle de rien de tout cela. (Et petit aparté, il ne dit à aucun moment qu'il est le fils de Dieu. Ce sont d'autres qui le font à sa place et il ne les contredit pas. Il utilise à plusieurs reprise l'énigmatique locution "le Fils de l'Homme" pour se désigner.)

Allons plus loin. S'opposer au remariage des personnes qui ont divorcés ? Contraire à la loi de l'amour dictée par Jesus "aimez-vous les uns les autres comme moi je vous ai aimés" donc basiquement et prosaïquement "foutez-vous la paix et arrêter de juger autrui basé sur vos peurs et vos ignorances". Toute forme de racisme, de ségrégation ou d'exclusion (je pense surtout à l'opposition farouche de l'Eglise aux homosexuels, je pense aussi à la présence de catholiques fervents au sein d'organisations racistes et xénophobes) ? Contraire à cette même loi. La notion même de blasphème ? Carrément antinomique à la loi de Jesus ! Et Dieu est censé être suffisamment grand pour éviter tout crachat, non ?Toute violence institutionnalisée (Irlande du Nord et toute mouvance du terrorisme chrétien) et toute forme de violence, tout court ? Contraire à cette loi. Le christianisme est une religion très simple, il n'y a qu'un seul commandement. Et cette religion passe son temps à le piétiner.

Je ne parle que de ma très humble et très simple expérience. Les autres monothéismes montrent de manière cruelle et spectaculaire qu'ils sont tout aussi compétents pour ériger la haine de l'autre et son meurtre en valeurs fondamentales du croyant, en justifiant ce geste par des récompenses dans l'au-delà. J'ai lu cette phrase marqué d'un profond sarcasme qui me ressemble : "Quand je voit ce que l'on fait au nom de Dieu, je me demande ce qu'il reste au Diable...".

Les monothéismes ont du sang, beaucoup de sang sur les mains. Du sang direct (massacre des celles et ceux qui ne "croient pas comme nous" ou "qui en sont pas comme nous"), et du sang indirect (combien de suicides de celles et ceux qui se sont senti-e-s exclu-e-s ?). Mais surtout, ils ont tous une énorme faute morale: ils sont TOUS censés rassembler, unir, et fournir des valeurs morales pour vivre ensemble. Ils fournissent surtout des justifications pour annihiler l'autre, le rendre moralement insignifiant et donc, éliminable. Dans l'état actuel, les monothéismes sont des cancers moraux, ils sont des faillites de l'humanité.

Voilà les raisons pour lesquelles je me suis éloigné de ma religion, sans pour autant nier qu'elle aura servi à une seule chose : nous faire parvenir les paroles de Jesus. Et chose surprenante : son enseignement reste pertinent et d'actualité même sans croire en Dieu ! Il pose des valeurs morales qui fonctionnent tout aussi bien sans la foi. C'est d'ailleurs sa grande force : Jesus propose une philosophie de vie limpide et simple, qui pose une valeur fondamentale qui permet de vivre ensemble : l'amour. Il n'est pas le premier à le proposer car Bouddha l'avait fait avant lui, mais son message simple a eu une portée considérable pour qu'il nous parvienne aujourd'hui.

Une religion n'est pas censée être une arme de destruction massive. Elle se doit de transmettre des valeurs morales supérieures permettant aux humains de vivre en harmonie de manière durable et c'est uniquement là-dessus qu'elle doit être jugée. Elle perd sa nature dès qu'elle dévie de cet objectif fondamental.

Je conclue avec cette citation qui souligne mon propos :

« Que vous ayez ou non une religion, cela ne vous dispense pas de respecter l’autre, sa vie, sa liberté, sa dignité ; cela n’annule pas la supériorité de l’amour sur la haine, de la générosité sur l’égoïsme, de la justice sur l’injustice. Que les religions nous aient aidés à le comprendre, cela fait partie de leur apport historique, qui fut grand. Cela ne signifie pas qu’elles y suffisent ou qu’elles en aient le monopole. Bayle, dès la fin du XVIIe siècle, l’avait fortement souligné : un athée peut être vertueux, aussi sûrement qu’un croyant peut ne pas l’être. »

André Comte-Sponville