Mental Bazar Electrique : la genèse de la trilogie

Retour en arrière sur un moment que je n'ai jamais évoqué ici : la genèse de la folle trilogie Mental Bazar Électrique


Nous sommes en 2009 ; j'avais passé l'année précédente avec Franck à enregistrer et mixer son album "Mélancaustique" et je ressentais le besoin de revenir à mon univers plus rock, de me lancer dans le projet d'un nouvel album ! À mes yeux rien n'allait être plus facile car j'accumulais des maquettes de chansons depuis des mois (soit une soixantaine environ). J'allais torcher cette affaire en moins de deux ! Sauf que rien ne s'est passé comme prévu...

Plongé dans un grand travail de tri, j'ai eu la sensation de m'enfoncer de plus en plus dans la confusion. Plus je travaillais, moins je comprenais ou "voyais" quel album j'étais en train de bâtir.

La seule personne capable de me sortir de ce bo... bazar a été mon ex-femme. Elle m'a conseillé de faire table rase du passé et considérer que toutes ces maquettes - ces bouts de chansons - n'existaient pas. Puis en vraie passionnée de cinéma, elle m'a demandé d'écrire une note d'intention comme les producteurs l'exigent des réalisateurs de films. Le principe est simple, il s'agit de décrire sur une seule page l'histoire, l'ambiance, le style et le message transmis. Et je m'y suis collé avec son dernier conseil : on n'écrit bien que ce qu'on connaît, ce qu'on est.

Cette méthode par le vide a été d'une efficacité redoutable, la note d'intention s'est écrite toute seule et mes nombreuses ébauches de textes se sont réparties en trois tas distincts. L'idée de trilogie faisait son apparition. Le thème choisi ? Embarquer l'auditeur pour un voyage au coeur de l'expérience - mon expérience - de la dépression décryptée en trois phases :

  1. L'ignorance de celle-ci quand elle alimente la colère : RAGE
  2. La découverte et le (long) processus d'acceptation : OMBRE
  3. Le retour à la vie : GRÂCE
Mes yeux sont tombés sur un encart de publicité pour un bazar d’électricité : bingo ! Mental Bazar Électrique ! Ou comment par l’électricité (guitares et synthés) j'allais décrire mon bo... bazar intérieur.

Puis un évènement majeur m'a marqué : une semaine quasi jour pour jour après le début du travail d'écriture des textes, j'appris le décès d'Alain Bashung que je devais voir en concert au Grand Rex à Paris (avec Franck, tiens !)... Ça m'a fait l'effet d'un abandon. Je me retrouvai seul sur ma route, avec en même temps l'envie d'assumer son influence sur mon travail, sur les textes et sur ma voix ! Bashung s'est donc immiscé dans ce projet comme en filigrane.


L'écriture est allée assez vite et, comme souvent, j'ai soumis les ébauches de textes à Franck qui y a apporté ses nuances, sa lumière, son talent pour le rythme de la langue. Certains textes comme "Un ange au sol" au "Circulez!" sont entièrement de sa plume et pré-existaient au projet. Ils y ont été inclus car ils collaient parfaitement à la thématique!

Mais j'allais découvrir au fur et à mesure un aspect pour le moins étrange de Mental Bazar Électrique : si les textes ont été pour la plupart écrits et achevés avant la musique, celle-ci a mis beaucoup plus de temps à se construire. Pire : loin de raconter un vécu passé, j'ai du attendre de vivre chacune des trois phases (Rage, Ombre, Grâce) pour être capable de les mettre en musique. En quelque sorte, les textes sont venus en "pré-science" de ce que j'allais vivre, alors que la musique est venue témoigner du vécu ! Je me souviens même qu'en 2009, au cœur de ma dépression et assis au milieu de mes textes répartis en 3 tas, je me demandais vraiment si j'allais être capable d'écrire "Grâce" tant ce dernier volet me semblait loin, très loin de moi. Ce que j'ignorais alors, c'est qu'un an plus tard j'allais tomber encore plus bas, plus profond dans l'abîme... (la part d'ombre cher à Carl Jung) et qu'encore plus tard j'allais découvrir la clé pour retourner à la lumière, revenir parmi les vivants.

Et c'est sans doute la plus grande leçon de l'aventure Mental Bazar Électrique : il a fallu vivre avant d'écrire, il a fallu apprendre à être heureux avant de savoir le dire, il a fallu se rendre compte que la musique n'est qu'une conséquence et non pas une cause. Il a fallu être un homme avant de se prétendre artiste.

Un dernier détail : toute cette trilogie est dédiée à celle qui l'a initiée, évoquée çà et là au gré des chansons, jusqu'au titre du dernier volet qui porte la racine de son prénom.